Après le Code du travail… La formation professionnelle et l’assurance chômage

MCI, 06/02 journée de mobilisation nationale contre la sélection et la privatisation

Article de L’Internationaliste n°179 de janvier-février 2018

On compte 6 millions de chômeurs dans ce pays. Les capitalistes s’abritent derrière une réalité dont ils sont responsables. Ils prétendent vouloir « créer des emplois », alors qu’ils n’ont de cesse d’en supprimer. Ils ordonnent, le gouvernement applique avec zèle.

Leur mot d’ordre est : « faire baisser le coût du travail », c’est-à-dire le salaire direct, en s’attaquant au SMIC par exemple, et le salaire différé, le salaire « indirect ». Ce salaire indirect est versé à des organismes de protection sociale en contrepartie d’un droit pour les travailleurs à en percevoir des prestations (santé, retraite, etc.). La protection sociale est une manne financière sur laquelle les capitalistes comptent bien mettre la main.

Les « principes » de leur offensive sont simples : socialiser les pertes et privatiser les profits ; saboter les services publics pour ensuite présenter leur privatisation comme inéluctable ; remettre des secteurs clés entre les mains des capitalistes et assurer leur financement par de l’argent public, tiré des poches des travailleurs.

Aussi, après la promulgation des ordonnances dynamitant le Code du travail, le gouvernement a lancé quasi simultanément plusieurs chantiers de démolition dont la formation professionnelle et l’assurance chômage sur lesquelles nous nous penchons ici. Bien entendu, nous reviendrons ultérieurement sur l’attaque contre les retraites.

La formation professionnelle

L’éducation étant considérée par l’Organisation pour la coopération et pour le développement économique (OCDE) ou l’Organisation mondiale du commerce (OMC) comme un « marché du XXIeme siècle » (à l’instar de la santé), la formation professionnelle et l’apprentissage sont abordés par le gouvernement d’un double point de vue : un marché juteux et un moyen d’assurer aux capitalistes l’accès à une main d’œuvre « employable » formée sur des fonds publics.

Car selon l’optique des capitalistes, les chômeurs sont responsables de leur situation, s’ils n’ont pas d’emploi, ou s’ils l’ont perdu, c’est parce qu’ils ne sont pas « employables ». « Pas employable » est synonyme de « jetable ». Ainsi, c’est facile de multiplier les charrettes de licenciement pour les actionnaires et les patrons : ils ne sont ni responsables, ni coupables, n’est-ce pas ? Aux travailleurs de redevenir « employables » ! Bien entendu, et a contrario, ce n’est pas parce qu’on est « employable » qu’on aura un emploi et, surtout, un salaire décent.

Avec un budget de 32 milliards d’euros (2016) c’est une somme considérable dont le MEDEF voudrait être le seul gestionnaire, alors qu’aujourd’hui les régions sont un autre intervenant de poids. Outre que la formation privée est le lieu d’une grande opacité, en progression de 25 % en 5 ans, une nébuleuse de sociétés ou d’associations intervenant dans ce secteur, le MEDEF considère donc que le grand obstacle à son emprise est le secteur public.

Essentiellement constitué du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), du réseau des Greta – qui dépend de l’Éducation nationale et de l’ex-Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) – devenue Agence sous la forme d’un établissement public industriel et commercial en 2016, les organismes publics réalisent 24 % des heures de formation.

Voilà sur quoi lorgnent les patrons, pas seulement pour avoir cette manne financière à leur disposition mais aussi et surtout pour imposer des programmes et contenus de formation pleinement conformes à leurs exigences, les fameuses « compétences » (voir l’encadré à ce propos) qui constituent le moule dans lequel les capitalistes rêvent de voir chaque travailleur, chaque jeune, se fondre de bonne grâce.

De plus, le MEDEF voudrait que la formation professionnelle soit un outil non pas contre le chômage, mais contre les chômeurs : une fois que les capitalistes auraient imposé à un chômeur une formation qui leur convienne, ils pourraient lui imposer un emploi à n’importe quelle condition.

Les agences d’intérim ou de placement qui sous-traitent en partie aujourd’hui des demandes émanant de Pôle emploi deviendraient les seuls interlocuteurs des chômeurs, des « job center » à l’anglaise. Dans cette perspective, demain, Pôle emploi ne deviendrait qu’un organisme de contrôle draconien, culpabilisant les chômeurs et disposant de tous les pouvoirs pour réduire ou supprimer leurs allocations, à la danoise.

Conformément aux exigences des capitalistes et aux directives de l’Union européenne, la formation professionnelle ou continue, comme le placement, seraient ainsi privatisés alors qu’une agence publique serait dotée d’un pouvoir de sanction des chômeurs.

L’assurance chômage

La cotisation d’assurance chômage devrait avoir disparu des feuilles de paie d’ici octobre 2018 selon les mesures prises par le gouvernement Macron-Philippe-Pénicaud. Ainsi, à terme, via la CSG, l’État contrôlerait l’essentiel du financement de l’Unedic, qui relève jusqu’ici d’une gestion paritaire entre les représentants des travailleurs et ceux des patrons. À travers l’étatisation de l’assurance chômage, le gouvernement prendrait le contrôle du système qui est censé indemniser les chômeurs. C’est un élément essentiel de la politique de Macron.

Ce dernier a annoncé vouloir étendre l’assurance chômage aux « indépendants », mais en fait il est convaincu que pour élargir encore plus le nombre des auto-entrepreneurs et réaliser le rêve des capitalistes d’atomiser le prolétariat en transformant chaque travailleur en sous-traitant « libre »1 dont il pourrait tirer le maximum de plus-value, il lui faut, dans un premier temps « rassurer » ceux qui pourraient aller dans cette direction en leur proposant une assurance chômage. Le financement par le budget de l’État est la solution qui éviterait aux « entreprises » c’est-à-dire aux capitalistes d’avoir à mettre la main à la poche.

Un autre aspect du projet gouvernemental consiste à verser une allocation chômage même en cas de démission du travailleur. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, le but recherché en réalité est de pousser toujours plus de travailleurs en dehors de l’entreprise vers la nébuleuse des « travailleurs indépendants ».

C’est pourquoi, pour le gouvernement et le MEDEF, les contre-réformes de la formation professionnelle et de l’assurance chômage sont intrinsèquement liées. Prendre les chômeurs à la gorge en les menaçant de perdre leur allocation, inciter les travailleurs à devenir auto-entrepreneur voilà en une phrase ce qu’ils cherchent.

Quelle issue ?

La réponse à la « flexi-sécurité » voulue par le gouvernement Macron ne peut pas être la sécurité sociale professionnelle lancée par B. Thibault naguère secrétaire général de la CGT. L’issue réside dans la mobilisation dans l’unité de tous les travailleurs pour en finir avec la politique du gouvernement toute entière dévouée aux intérêts capitalistes.

L’idée détestable selon laquelle le chômage de masse serait une fatalité et qu’il conviendrait, dans ce cadre, d’assurer les travailleurs que la précarité perpétuelle pourrait être adoucie par un accompagnement social, dont la formation professionnelle serait un élément essentiel, cette idée est une utopie criminelle qui doit être combattue pour ce quelle est : une idéologie réactionnaire.

Aussi, aucune organisation syndicale prétendant réellement défendre les intérêts des travailleurs ne peut continuer à discuter avec MEDEF et gouvernement : à-bas le « dialogue social » ! Vive l’indépendance syndicale vis-à-vis de l’État et du patronat !Vive la mobilisation des travailleurs dans l’unité, pour les revendications définies par eux seuls, avec leurs organisations !


Les compétences : l’aptitude à entrer dans le moule de l’entreprise capitaliste

Ainsi, selon un site de « recruteurs », Jobintree, « La compétence est une qualification professionnelle. Elle se décline en savoirs (connaissances), en savoir-faire (pratiques) et en savoir-être (comportements relationnels) ainsi qu’en des aptitudes physiques. Elle est acquise, mise en œuvre ou non sur le poste pour remplir les tâches qui sont attendues. Elle se distingue en cela du potentiel qui serait une « compétence en devenir ». »

Alors, « Le développement durable et la cohésion sociale dépendent fondamentalement des compétences de toute la population – « compétences » s’entend ici comme un ensemble de connaissances, de savoirs, de dispositions et de valeurs. » (La définition et la sélection des compétences clés – Résumé – page 6 – encadré « Les ministres de l’Éducation de l’OCDE » : https://www.oecd.org/pisa/35693273.pdf)


1. Les capitalistes voudraient revenir au « contrat de louage de service » individuel qui maintenait un lien féodal entre le patron et le salarié jusqu’à ce que, au début du XX° siècle, la convention collective commence à s’imposer par la mobilisation ouvrière, mouvement qui sera parachevé en 1953 après la grève d’août de la même année.